L’ODYSSÉE SOLITAIRE...


Il y a quatorze ans il m'a été donné d'accompagner mon frère aîné qui malheureusement n'a pas survécu à un cancer des poumons foudroyant, épreuve difficile s'il en est dans laquelle j'ai côtoyé de près la maladie.

Une odyssée solitaire qui brutalise, révolte et  sidère tant nous nous sommes retrouvés confrontés à l’impensé, dans une dérive singulière quant au coté nocturne de la vie ou l'illusion d'immortalité s'évanouit tellement tout se décide pour vous.

La maladie réveille l'existence qui s'avère loin d'être une évidence, il s'agit de remballer son angoisse face à l'inquiétude existentielle, voir le monde autrement.

Après un état de flottement qui désorganise et désocialise tant la maladie fait peur avant que de faire mal, nous avons pris la conscience de la différence en nous heurtant à l'ordre social et à toutes ses représentations.





J'ai observé le corps de mon frère qui se dérobait, cette confrontation à soi et aux autres dans un contexte menaçant après l'annonce catastrophique qui plonge dans le désarroi, la colère et la dénégation.

Il lui fallait aller à la reconquête de soi alors qu'il se sentait intrus à lui même, se trouver des raisons de vivre, sonder des facettes jusque là insoupçonnées, privilégier l’essentiel, accepter de s'ouvrir  à une part d'inconnu.

Mon frère était un intellectuel et c'est ce qui lui a permit de traverser la parenthèse douloureuse qu’il subissait sans le vouloir.

Sa volonté de vivre m'a été une formidable leçon de vie, je comprenais que la maladie est la cohérence d'une affaire personnelle ou l'in se dégage de son milieu pour se mettre à penser de se retrouver face aux autres.

Reconnaître l'incertitude de l'avenir, retrouver l’énigme de la vie quand l'image de soi est brouillée n'est pas une mince affaire, la sensibilité explosant, le cercle se recompose et se redéfinit, l'humour se fait corrosif.

Comme s'il s'agissait de gagner  en profondeur, en douceur et en gaîté, d'avoir vite compris à quel point il fragilisait son entourage, mon frère a eu très tôt conscience de la différence, d'ou sa rupture nette avec sa vie d'avant...

La solitude se prête à la réflexion, le soi tourmenté admettant que la maladie n’étant pas un épisode malheureux de l'existence commence un travail de réorganisation.
Il est passé d'un sentiment d'injustice à une mobilisation sans faille, d'un mouvement de colère à un fol espoir derrière un mur de silence ou il s'est consacré à lui même, les principaux temps de la maladie se vivant seul.

Très tôt les verrous de la conscience et de la différence sautent, les fragilités et les doutes ne faisant que grandir, accroissent le sentiment d'isolement et d'abandon quant à la discrimination et à la relégation à un autre statut.
J'ai été là à tenter de contenir l’innommable car je savais que l'essentiel réside dans l'entourage face à la maladie qui agresse, déstabilise et affaiblit, il s'en est allé en quelques mois et moi je réapprends à vivre sans oublier....
 

























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