A LA TABLE DE MON PÈRE...
A la table de mon père, nous n'avions rien
Que des rêves d'enfant pour nous rassasier,Nous nous inventions des vies pour oublier,
Le présent qui était la veille et le lendemain.
Je me devais d'être le plus doux des enfants
Car je ne voulais pas cacher toute ma peine
Je vivais dans le royaume qu'était un champ,
Jusqu'au coucher du soleil, c'était mon règne.
A la table de mon père je ne trouvais jamais,
Les réponses aux questions bien pertinentes
Qui à cet âge nous viennent et nous effraient,
En moi elles sont demeurées trop innocentes.
J'ai souvenir des cris hystériques de ma mère
Que toujours je crois bien je devais déranger,
J'ignorais à quel point sa vie lui était un enfer
Ne voyant que le fait par elle d'être tant rejeté.
A la table de mon père, il n'y avait personne
A qui m'identifier et pouvoir affronter la vie
Le visage si rempli de peurs en moi résonne
Tel l'ombre de ce père qui davantage me fuit.
Je me souviens de toutes les larmes de haine
Pour ce destin qui ne savait que nous blesser,
De ce ciel auquel j'adressais la mienne peine,
Tel l'enfant qui ignorait qu'il se mettait à prier.
A la table de mon père, je voyais une tristesse
Qui s'engouffrait dans chacun de ces visages
Que j'aimais, jusqu'à en ressentir la détresse
Qui me paraissait le plus grand des outrages.
J'avais grand hâte de devenir un jour, grand
Pour apaiser les fronts brûlants de l'injustice
De la vie qui nous transforme en mendiants,
De ceux pour qui l'amour n'est que caprices.
A la table de mon père, j'avais pris du retard,
Ce que j'arrachais à la vie elle me le reprenait
Sans toutefois me priver de la force de croire,
Car même de derrière un nuage il me souriait.
Ma vie a passé aussi vite que celle de ce père
Qui refusait pour les siens la tyrannie du ciel
Si en moi j'ai balayé bien des sottes querelles,
De cela au moins j'aimerai qu'il soit bien fier.
A la table de mon père, j'ai su ouvrir les yeux
Voir qu'en tout homme doit être une passion,
Qui le guidera l'accompagnera dans les cieux
Pour être la transition entre deux générations.
Comme une main qui se tend vers l’éternité
Le souvenir de tant de larmes que j'ai versé,
J'ai découvert que la plus grande des vérités
Est une volonté que l'on se doit en soi puiser.
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