LES JOURS PASSENT...
Je ne pensais pas qu'un jour je puisse ne pas te voir, pas même entendre ta voix, nous nous étions promis tant de choses, nous avions passé tellement de temps ensemble ces sept dernières années, il me fallait chaque jour savoir tes pensées, ton quotidien, ton amour pour moi.
Je me sens égoïste de parler de mon manque de toi, en ignorant le tien, qui n'avait de cesse que je te raconte le moindre détail, de mes journées, en famille parfois, ce qui semblait te faire plaisir, même si la distance ne m'empêchait pas de deviner ton petit pincement au cœur.
Tu disais toujours que nous avions en secret, de manière bien informelle réussi sans heurts une famille recomposée, tu me demandais conseil quant à tes grands, dont l’aîné te donne des soucis depuis sa plus tendre enfance, je me sentais flatté d'être un peu celui sur lequel tu te reposes.
Nous partagions au quotidien nos hauts ainsi que nos bas, nous racontions les progrès de nos petits enfants, tu me faisais part de tes peurs quant à ton travail que tu sentais péricliter, une retraite qui te tiendrait confinée à la maison avant même que ce terme ne devienne une réalité.
Depuis peu la vie avait instauré entre nous une distance, en faisant que ton époux prenne sa retraite, ce qui n'a d'ailleurs pas manqué de créer des tensions entre nous, puis insidieusement tes craintes sont remontées à la surface, tu te rends compte me disais tu de temps à autre!
Depuis quelques temps l'instauration d'un confinement que personne n'aurait imaginé nous tient tous reclus, sans possibilité de nous soustraire à la promiscuité soudaine autant qu'obligée d'avec nos vies, celles qui nous ont poussé l'un vers l'autre, à nous inventer un autre possible.
J'ignore ou nous allons ainsi, je me sens incapable de me projeter au delà d'une journée, des nouvelles anxiogènes qui torturent à chaque instant la moindre de nos pensées, ce ressentiment quant à ce qui survient malgré nous, cette absurdité dans laquelle nous sommes plongés.
J'aimerai te rassurer, te prendre dans mes bras, te dire les mots d'hier qui nous rendaient si forts, te faire entendre le son de ma voix qui t'apaisait ne serait-ce que jusqu'à ce lendemain qui te voyait sourire à nouveau, du simple bonheur de nous penser toujours ensemble.
Les jours passent en s'allongeant, nos pas nous ramenant sans cesse à ces mêmes endroits, ces coins et ces recoins d'une maison que nous ne cessons de détester, ces visages douloureusement familiers, ce sentiment d'étouffer qui nous rend nostalgiques, nous qui avions horreur de ce mot.
Je ne te promets rien, de ne pas ignorer à quel point nos libertés nous échappent, que plus rien ne dépend de nous, comme de vivre dans ces états policés qui semblaient tantôt irréels autant que lointains, ou les priorités ne sont que les moyens de vivre ou de survivre.
C'est terrible de ne pas te parler d'amour, te dire les mots que tu aimes tellement, ces caresses à l'âme qui restaurent la confiance en l'avenir, nous font un nid de bien-être amoureux qui occulte ce qui ne va pas, rien qu'en nous plongeant dans les yeux de l'autre, celui-là même qui est notre tout.
Il me plait d'appeler en renfort les souvenirs de ces années merveilleuses, nos joies mais parfois nos tristesses quand nous imaginions une séparation que nous repoussions sans cesse à plus tard, quitte à prendre encore des risques, éloigner tes craintes , nous raconter des histoires.
Dans quelques jours, le huit avril précisément, sera la date anniversaire de notre rencontre en 2012 et pour la première fois nous ne serons pas réunis, comme si cette chose était possible, nous nous étions tellement promis de la tendresse pour nos vieux jours.
Les jours passent, le printemps ira en s'éloignant, le parc que nous aimions tant retournera à l'automne sans avoir aperçu les deux êtres magnifiques dont les oiseaux jalousaient les rires, attiraient les regards amusés de rares promeneurs, des nounous perplexes et des femmes te jalousant.
Commentaires
« L’absence est le plus grand des maux. »