LETTRE A KARIN ...



 Il est des hasards heureux comme le fait de faire écho à votre écrit "mettre des mots sur les maux" par un des miens pour ainsi vous rendre compte à quel point je me suis reconnu dans votre manière de faire une pause salvatrice, d'exorciser votre peine dans un sublime message d'amour.

Enfant solitaire et sans ami je me suis mis à écrire des choses qui se sont étiolées dans le silence, en  voyant mes parents démunis devant la vie j'ai choisi de m'inventer un royaume pour sortir du temps, continuer de converser avec ce que je ne pouvais pas malgré moi retenir.

Avoir conscience de la fragilité des choses et de la fugacité de la vie font nécessairement voler la foi en éclats, il s'agissait pour moi de traduire simplement librement avec des mots que je pouvais relire ce qui me touchait au cœur, d'attraper des pensées et de les ligoter.

Il s'agissait de faire taire la voix négative qui émane des interdits, dissiper les sentiments diffus d'un ressentiment, et mettre de la distance sur le reste de ma vie, celle qui me dérangeait d'être tellement injuste en éprouvant une fierté qui se suffisait à elle même.

J'ai appris à dérouler un fil de vie autant qu'à nourrir le quotidien avec des mots qui m'arrachaient de mon plus profond, de toutes formes de rancœurs qui alimentent la peur, pour laisser se dissoudre les douleurs de l'âme de l'enfant qui voulait se lancer dans le vide.

En permettant un relief différent aux choses j'ai libéré mes émotions et j'ai évoqué mon chemin de vie, ma souffrance, mes drames, comme si je me délestais d'un fardeau, de ce qui me la pourrissait, dans une écriture déversoir tout au long d'une adolescence solitaire.

C'était tel de me libérer de mes peurs, de me retrouver avec moi-même, et de ne plus avoir besoin de hurler ce qui me rongeait, trouver un exutoire à la douleur, se vider la tête comme d'autres courent, sans temps mort, toutes les larmes rentrées.

L'écriture est résiliente, tel de faire la paix avec soi-même en sortant, rage, colère et intime, trouver une résonance avec des mots gracieusement liés, sans les iriser, et en faire des nudités visibles par tous pour soulager, exorciser un mal, mettre à distance un affect inconfortable ou douloureux.

Petit à petit j'ai écrit différemment, de penser autrement, telle une sorte de méditation, ou je pouvais me taire pour identifier et libérer les ressentiments, les frustrations, laisser le moi enfant s'exprimer, me délestant ainsi de toutes sortes de non-dits tels la culpabilité, la colère et la rancœur.

L'écriture est une aube qui abrite sa nuit, un écho à soi, elle peut faire souffrir et réconforter, elle nous aide à survivre à ceux qui nous quittent, elle est un défouloir, un confident, un chemin de vie pour vivre vraiment pour ne pas mourir, elle est l'écrivain public de nos souffrances.

Ecrire pour soi pas pour les autres pour plus d'authenticité et voir que nos écrits bouleversent sans chercher à imposer une douleur prouve l’universalité de ce qui réunit tous les humains, l'amie des commencements m'a fait accoucher d'une montagne de ressentis que je n'ai plus en moi.

Je n'ai pas le plaisir de vous connaitre, mais l'écriture m'a permit de vous parler très simplement, sans redouter d'être jugé de quelque façon, et pour faire écho à votre partage et à la manière dont vous tentez d'évacuer ou plutôt de ranger ailleurs une douleur, de celles qui bouleversent la vie.

Jules Renard a dit " écrire c'est une façon de parler sans être interrompu. "  
Je vous prie de bien vouloir excuser cette réponse peut-être intrusive au cas ou elle vous dérangerait quelque peu.

  


































































































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