UN AUTRE RIVAGE...


 Ces derniers temps, je me sens entre deux mondes, comme coupé de celui que je ne serai plus jamais, par un âge qui ne me convient pas, tant l'esprit et le corps ne se ressemblent que tellement peu, même de moins en moins, au point que cela me perturbe.

Il y a dans le fait de vieillir comme une profonde injustice, celle du temps qui ne nous a que bien peu appartenu, tellement il y avait des choses à réaliser, de devoirs qui s'imposaient, des désirs à combler, ceux qui n'étaient que de très loin les nôtres, une sorte de revanche à prendre.

Nous avons beau faire, nous ne nous remettons jamais de ces destins miséreux, dans l'ombre de nos infortunes passées, des humiliations subies ou juste ressenties, comme si la vie qui nous était donnée, ne l'était que si petitement, tel un chemin de frustrations.

Dans ma tête, quelque part au fond de moi, il y a ce gamin bruyant qui crie son mal-être, qui court après une enfance chargée de rêves, qui n'attendaient que l'âge adulte qui les assouvirait bon gré mal gré, alors qu'il n'en n'a rien été car celui que je suis devenu, ne me ressemblait pas.

Je n'ai jamais choisi une route d'abnégation, j'ai juste entendu un appel lointain, ressenti des attentes particulières qui n'étaient que si peu les miennes, embrassé la vie de mes parents pour l'emmener plus loin, que là ou fatalement il était déjà écrit qu'elle s’arrêterait. 

J'ai galéré avant que de deviner le sens de certaines valeurs, j'ai erré dans une bulle ou rien d'autre que moi ne comptait, j'occultais tant et tant ces êtres qui composaient ma famille, dont je ne me sentais que si peu proche, auxquels je ne voulais pas ressembler.





Je n'ai fait qu'avancer, l'âme incertaine, le coeur à la traîne, vers un rivage que je n'imaginais même pas, mue par une volonté que je ne me connaissais pas, une sorte d’écho lointain qui m'a possédé autant que surpris, vers l'appel qui me venait de là ou sont déjà nos anciens.

Je regarde autour de moi, ces sons qui ne résonnent plus, ce vide qui se fait de plus en plus pressant, ce fabuleux royaume constitué de chimères, toutes ces ombres qui ne vivent que dans les souvenirs, et je n'entends plus rien, qu'un silence qui se fait assourdissant.

Je vais vivoter comme tout un chacun, jouer au vieux sans trop savoir comment faire, apprendre à être ce que d'autres attendent que je sois, m'effacer avant de disparaître, comme tous ceux qu'un jour j'ai vu vieillir, sans comprendre leurs ressentis. 



























  

Commentaires

Kyma a dit…


Vieillir c'est se rappeler son enfance☺️

https://youtu.be/ckNjUTovjVA
AIT MENGUELLET fait partie du quotidien de tout Kabyle qui se respecte, il a bercé les souffrances de l'immigration, accompagné l'exil et aussi chanté l'éloignement sentimental. Il a mangé " un pain du pays " fait par mon épouse, mais sa vie personnelle est fracturée comme tous les grands poètes. Dans la lignée directe de SLIMANE AZEM enterré dans le MOISSAC a qui la France a dédié le nom d'une rue, c'est sa dépouille qui aurait du être réclamée par le gouvernement actuel plutôt que les 24 cranes du XIX siècle. Les cafés kabyles ont largement contribué à les faire connaitre et bien des écrits les relatent car ils étaient le ciment de l'immigration algérienne...je crois que je leur consacrerai un écrit? Depuis toujours, mon père tenant un café, j'ai écouté ces chansons qui m'ont fait prendre conscience de mon origine, de ce pays lointain duquel vous faites que je me rapproche à présent...

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