ETRE CHEZ SOI DANS LA RUE...


 Dans un monde, ou nous sommes tout sauf libres, nous croisons ceux qui semblent chez eux dans la rue, auxquels nous donnons pour ne point nous attarder, évitant ainsi un instant de rencontre possible, avec ces femmes et ces hommes, loin des attaches matérielles ou affectives aliénantes.

Incrédules ou goguenards nous regardons ces sans-sous, dans leur univers d'errance, qui sont loin d'être des rescapés du romantisme, même s'ils mettent leur temps au service de la vie, en fuyant un système qui à un moment ou à un autre, a décidé de faire d'eux des naufragés.

Miséreux, loqueteux, passant pour des fous, ils choisissent la rue, car il n'est plus vraiment d'endroit pour l'être dans notre société, à part l'asile à ciel ouvert qui recouvre une folie qui somme toute n'est qu'une réelle souffrance, une sorte de tombeau, comme s'il fallait à présent mourir deux fois.

Tout en coltinant des corps qui tombent rapidement en déshérence, ils s’exilent dans les leurres que représentent toutes sortes de narcotiques, et des boissons qui servent à ne plus penser dans un temps qui n'existe pas, dans un grand abandon d'eux-mêmes, sans le désir pervers de se perdre.

Nous regardons tous, ces villes devenues des dépotoirs à ciel ouvert, dans lesquelles nous perdons nos repères, ne reconnaissons que si peu notre pays qui se clochardise, qui un jour ou l'autre peut pousser n'importe lequel d'entre nous, vers l'ultime épreuve de la rue.
        
Bien sur il y a une neutralité bienveillante dans le fait de donner pour ne pas voir, des centres d'urgence qui repêchent des naufragés avant que de les remettre à l'eau, tout autant que du mépris quant à la douleur immense qui accompagne, ceux qui s'exilent dans leurs souffrances.

En n'évitant pas les yeux de celui en face de moi, je me dis qu'auparavant il avait du avoir un pavillon, étriqué ou rebutant peut-être, en marge de la ville certes et même une petite femme pour étouffer des silences, qui couvrent le vertige et le néant, avant que d'être en bord de vie.

Un regard qui fuit ne saurait gommer l'horreur et l'insupportable, l'esclavage de chaque instant, de ces invisibles sans devenir dans la cour des miracles qu'est devenue la rue, ceux que nous soignons par centaines sans n'en guérir aucun, ces histoires pathologiques de l'enfance la plupart du temps.

Les vrais clochards sont des fous, des vies brisées sans espoir de retour, qui ne supportent plus de regarder leur folie, tant ils étaient comme nous dans la conformité, à l’intérieur d'une société qui  précarise davantage en étant de plus en plus riche, qui va jusqu'à dévorer ses enfants.

Leur discours semble banal et vide, il pourrait être le notre demain, du simple hasard d'une vie qui redistribue les cartes de plus en plus régulièrement, d'un système qui ne protège plus ou tellement peu, car le gouvernail ne répond plus qu'à la toute petite minorité des puissants...

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

LES JOURS DE MELANCOLIE...

JE ME SENS PERDU.....

LES REVERIES TENDRES