L'ILLUSION DU TEMPS...


 L'incessant bruit mental qu'est l'égo qui projette des ombres de peur et de souffrances sur tout tant il est tourné sur l'extérieur, fait grand mal à l'être qui émane de moi , que je sens naitre loin de cet autre moi fantôme sans cesse vulnérable et inquiet, qui provoque toutes sortes de craintes. 

J'ai juste accepté d'emprunter un autre chemin, pour tourner le dos à ce besoin si fortement compulsif et si profondément inconscient d'avoir raison, car j'ai compris qu'il s'agissait d'une forme de violence que j'imposais aux autres autant qu'à moi-même, comme si je me mettais en mode survie inutilement.

Du fait de ce désir obsessionnel d'arriver quelque part, d'atteindre quelque chose, de réussir et surtout de rejouer à l'infini les mêmes scénarios de pensées, écartelé entre l'espoir et le plaisir par anticipation ou anxiété, je ne vivais plus normalement, j'étais juste constamment pris dans des illusions pièges.

Il est en nous bien des résidus de souffrances de passé qui nous poussent à habiter le temps, pour ne rendre qu'épisodiquement visite à l'instant présent qui ainsi ne nous émerveille que si peu, le passé nous conférant une identité et le futur ne constituant que de vagues promesses.

J'ai fini par comprendre que l'un n'existant plus et l'autre pas encore, ils ne sont que des illusions qui m'empêchent d'être moi au quotidien, ailleurs qu'avec mes fantômes et mes angoisses, pour être plus vrai et plus profond que le mental dans lequel je me reflète depuis tellement longtemps.

Commencer à m'éloigner du passé et du futur, n'être plus sous l'emprise du dialogue intérieur même involontaire, autant que comprendre que le pouvoir sur les autres n'est que de la faiblesse déguisée en force, c'est permettre aux émotions d'être là mais tout en exerçant un contrôle sur elles.

Je suis devenu depuis peu le témoin silencieux de ce qui se passait en moi, pour admettre l'influence du passé sur mes émotions, en me projetant toujours dans un futur hypothétique j'abimais le présent, et tout ce qui en faisait partie, alors que les choses d'elles mêmes vont souvent relativement mal.

Certains corps de souffrances sont des monstres vicieux et destructeurs, de véritables démons qui nous font l'humeur sombre, nous tirons de certains de nos tourments un plaisir curieux, ces dépendances qui commencent et terminent mal tant elles ne servent qu'à dissimuler d'autres douleurs.

Dans un mouvement tendre et aimant, il s'agit de cesser de se jauger et de juger les autres, et juste de ne pas réagir pour voir ce qui se passe, de voir au delà  du voile, pour qu'il n'y ait ni tyran ni victime, ni accusateur ni accusé, en nous rendant enfin compte que c'est l'enfant intérieur qui exige.

Être comme la surface d'un lac parfois calme, parfois ventée et agitée mais impassible en profondeur, et ne plus refléter aux autres sa souffrance pour vivre des relations qui même si elles ne nous rendent pas heureux, nous laissent conscients du champ des possibles qui s'offre à nous.

Parfois nous entretenons notre souffrance et celle des autres, d'où le désir de blesser qui se nourrit de nous, il faudrait être conscient pour n'être pas fou car nous ne pouvons pas être les deux à la fois, mais surtout il s'agirait de laisser couler le courant de la vie sans en être l'obstacle à notre insu.

Certains ont un moi malheureux qui est si familier qu'il les rassure jusqu'à devenir leur propre identité, s'en éloigner serait pour eux comme sauter dans l'inconnu, alors ils font du futur une obsession pour échapper au présent dont ils ne profitent guère et de ce fait reste insatisfaisant.

Nous pouvons trouver le passage étroit qui conduit à la vie, regarder sans interpréter  pour sortir de la folie qui nous dépouille et très souvent détruit ce qu'il y autour de nous, mais inconsciemment le mental qui adore les difficultés lui conférant une sorte d'identité, nous en détourne.

Il y a le regard fixé sur demain qui occulte le présent et nous rend malheureux, l'égo cette ombre qui nous suit ou qu'on aille, et surtout notre mémoire qui nous fait trainer le lourd fardeau du passé et nous fait répéter les mêmes expériences, tant la vie est perçue comme un fardeau ou un combat.

Dés lors que le présent n'est qu'une étape pour un futur improbable, ceux qui ont une forte tendance à s'accrocher au passé renforcent un faux sentiment qui les vieillit prématurément, car commencer a fouiller dans celui-ci c'est bien souvent aller dans un puits sans fond. 

Il s'agit de n'être plus de ceux qui attendent quelque chose ou quelqu'un pour commencer à vivre, qui ne désirent que ce qu'ils n'ont pas, qui voient sans vraiment voir, entendent sans vraiment entendre, de ne suivre que cette rivière en furie en nous qui nous arrache à notre présent.

Nous sommes tous habités par des corps de souffrances plus ou moins consciemment, car même le plaisir se transforme d'une manière ou une autre en douleur, comme des inséparables opposés qui font qu'il est inutile de rajouter d'ultérieures peines à celles du passé.

Mais l'obscurité ne peut résister à la lumière, à la joie, l'aisance et la légèreté  d'une voix qui nous fait gouter fugitivement à une présence, qui nous apporte afin de nous aider à laisser s'en aller le passé ainsi que la colère qui cache toujours nos intimes souffrances.



















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