LE CHEMIN DES DEUILS...
J'étais vaguement là à attendre un printemps frêle, charmant et fleuri, ailleurs que dans ces deuils insoutenables presqu'irréels, ces ruptures brutales ou il nous faut composer avec la douleur et l'incertitude brutale de tous ces adieux empêchés.
J'ai toujours aimé mettre des mots sur mes émotions afin de n'être pas que dans quelque absolue solitude, mais plutôt aller à une sorte de résilience pour sortir toute ma tristesse, continuer de vivre malgré mes nombreuses et douloureuses cicatrices.
Lâcher mes peurs et mes souffrances, juguler une infinie tristesse et bien des frustrations en des mots, c'est tel pour moi avoir à nouveau en mémoire mes histoires affectives, et me remémorer mes souvenirs et me répéter des anecdotes qui sans cela se perdraient.
Jeudi au cimetière de Tremblay j'accompagnais la dépouille d'un cousin cher à mon passé, il était de ceux qui provoquaient une compétition sans les aléas de celle-ci, une concurrence qui nous a grandis mutuellement au détour de nos tendres années.
Le soir vers le coup de vingt heures un coup de téléphone venait soudainement me figer tel s'il fallait vivre des temps étranges, des épreuves déchirantes, voir ma vie chamboulée à nouveau par un second deuil plus proche encore que celui qui a précédé.
L'un et l'autre m'importaient, chacun à sa façon mais il y a eu le fait terrible que je n'ai pas pu leur dire adieu, qui laisse en moi un flot d'interrogations, tellement j'ai du mal à réaliser qu'ils laisseront un gout d'inachevé au fond de mon cœur.
Ce matin au réveil empêtré dans mes sentiments, j'apprends que le beau-père d'un de mes neveux vient de décéder et qu'il me faut trouver la force d'appeler alors qu'à l'évidence je suis de ceux qui ont survécus à tant d' absences, ce qui me laisse déjà un gout amer.
je ne peux qu'être un témoin de la douleur de leurs proches, être là et juste les écouter se consoler d'eux-mêmes, avec des images qui reviennent en mémoire, des photos qui d'un coup deviennent des trésors, comme ce fut le cas pour tant d'autres avant eux.
Nous ne sommes que des cicatrices, un chagrin qui vient par vagues, et entre celles-ci la vie malgré les naufrages, perdus et en colère car le monde tel que nous le dessinions ne sera plus, d'être devenu imprécis et sans repères, des tempêtes d'émotions.
Un temps qui n'est pas normal, un temps tourmenté ou l'on ne peut se soutenir non plus que partager sa peine et sa tristesse, de ne pas pouvoir serrer quelqu'un contre son cœur, lui donner ou lui tenir la main pour recueillir ces ultimes et précieux regards.
Quand il s'agit de voir les siens succomber comme des choses, sans avoir pris le temps du pardon ou de la réconciliation, ni même clore une relation, nous éprouvons un sentiment très douloureux de culpabilité, quant à tant de soudaineté traumatisante.
Plutôt que de m'abimer dans les regrets, me refugier dans la souffrance comme dans une sorte de résignation qui me ferait éprouver une foultitude de frustrations je m'en vais à ce cheminement que je dois faire en toute solitude quant à ce mal-être nouveau.
Les images s'enchainent riches d'anecdotes ou nous avons eu peur, mais nous étions tous ensemble pour les dépasser et nous en enrichir, oubliant que nous perdions notre temps à nous perdre dans nos vies d'une rare violence affective autant que physique.
N'avoir eu ni les derniers moments non plus que les derniers mots, n'avoir même pas les images des derniers sourires auxquels me raccrocher, pour juste les avoir encore près de moi pour continuer mon chemin qui s'assombrit de toutes les lumières évanouies.
un chagrin qui vient par vagues
Commentaires
Il nous a souvent été donné de plier mais nous avons toi autant que moi appris à nous relever et c'est la seule chose que nous savons bien faire. Quitte à apprivoiser l'idée de la mort dont Sénèque disait" la vie en effet a été donnée avec une condition la mort." Le chemin de nos vies est le deuil de tout ce qui nous tient en haleine, nos amitiés, nos amours, nos rêves et nos espérances les plus folles, quitte à jeter l'ancre parfois d'y croire à nouveau pour ne pas davantage nous perdre, ou peut-être tenter de nous retrouver dans quelqu'un d'autre...Quant à celle que tu évoques de manière très pudique j'ai juste l'impression qu'elle a toujours été là sur les bords chancelants de ma vie pour me soutenir dans ma quête d'absolu, tout autant que je deviens son rempart quant aux cotes sombres de la sienne, mais n'est-il pas vrai que la lumière découle de l'ombre qui la met en relief...Je n'ai plus seulement envie de me battre pour moi, mais pour nous, pour que vive un rêve fou qui traverse les vagues d'un Orient compliqué...Prends soin de toi et Merci d'être toujours la même