LES INVISIBLES...
Sous un pont autoroutier qui mène au Blanc Mesnil, un impossible ailleurs abrité de la pluie et du vent et ces jours ci d'un temps qui pique, j'entrevois calfeutrée une vie hasardeuse, cruelle et douloureuse qui semble celle d'un homme.
Je me mets alors à imaginer tous ceux que nous ne voulons point voir, sans présent ni avenir, ces bribes de vie et ces visages ravagés la plupart du temps, qui dérivent en délirant dans une angoisse et une souffrance autrement insupportables.
Hier ces errances en épuisement permanent étaient seulement le lot des vieux, et à présent il s'agit d'exclus de tout âge aux visages burinés qui sont un jour passés du désespoir à la résignation et dont la rue se veut si souvent la blessure intime.
Des vies difficilement imaginables avec l'ennui qui s'étire, l'alcool pour endormir les sens, des femmes et des hommes qui ont en commun une errance qu'il faudrait avoir le temps et le courage de regarder tellement on voit en elle nos travers.
Ils doivent accepter l'indifférence et l'hostilité des passants qui ne se doutent point que c'est souvent la rue qui rattrape malgré elles ces vies cabossées, si tristes et en haillons avec toujours alentours la mort qui rode et le ciel pour seul toit.
Certains se murent dans le silence, d'autres usent de la provocation mais partagent la plupart du temps les mêmes vécus de souffrance et de solitude, condamnés qu'ils sont entre colère, tristesse et mélancolie à des vies de pauvreté et de solitude.
Plutôt que l'aumône ils éprouvent le désir d'être vus comme des personnes qui ont eu des parents, peut-être bien des enfants et une vie de couple, un travail, un foyer avant que le destin s'acharne, les ruine de tout ce qui les rendrait humains à nos yeux.
Dites leur bonjour si d'aventure vous croisez leur regard, c'est souvent tout ce qu'ils veulent !
" Avec le clochard, la compassion n'est jamais loin de la violence, la charité de la haine." Pascal BRUCKNER
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