POUR TANTE DJAMILA...

 Depuis quelques temps face au deuil qui semble s'éterniser et enserrer les coeurs, si morbide et triste que personne n'ose un sourire, adviennent les attitudes fascinantes et déroutantes qui laissent à nouveau place à la vie...

La mort est une histoire de famille, ou chacun cherche à protéger l'autre de sa peine, les rires trop nombreux et maladroits n'étant qu'une façon de nous moquer de nous mêmes en relatant mille anecdotes souriantes.

Hier soir tante Djamila tu as ressenti ta maison autrement vivante, pleine de l'énergie d'autrefois, telle que tu l'aurais aimée si le destin ne s'était pas acharné sur toi, faisant de toi la recluse dont on ignorait l'essentiel.

Tu t'es remise à vivre car la vie et la mort sont intimement liées, et tu nous as réunis pour nous rappeler à quel point ce sont les racines qui font tout, qu'il est temps de nous découvrir à défaut de si mal nous connaître.

A la tablée dont j'étais les éclats de rires ont fusés, tant il y avait des images douloureuses d'autrefois, d'un passé pénible qui a été le votre, que certains revisitaient, mais comme s'ils vous honoraient alors qu'il était si tard.

Tous ceux rassemblés pardonnaient enfin à tant de ces parents disparus ou encore au monde, les cris d'hier, les silences étouffés, les attitudes violentes à l'égard de leurs mères ou d'eux-mêmes et ce rien qu'en les partageant.

Je t'ai sentie sourire de là ou tu es à présent, d'avoir réuni des générations qui ne faisaient que s'ignorer, car les souvenirs relatés étaient empreints d'amour, celui que nous ne savons plus réellement transmettre.

L'instant tout en demeurant étrange était auréolé du bonheur d'être ensemble, et même si tu n'y étais pas je ressentais ta présence heureuse, une aile d'oiseau légère comme tu l'as été de tout ton vivant.

Hier soir à la maison il y avait un bruit qui loin de t'inquiéter comme à l'habitude t'a rappelée les veillées anciennes, lorsqu'il faisait bon n'être qu'une enfant entourée d'ainés protecteurs et combien bienveillants.

" Dans l'océan de la vie, tous les mondes feront naufrage." 
                              Taha-Hassine FERHAT