LA SEULE NOBLESSE QUI VAILLE...
A présent que tu n'es plus que les abords de ma mémoire, pas tout à fait un souvenir seulement des instants, des non dits, et les regards de très souvent, j'aime l'idée de t'avoir eue pour mère, car sans toi mon chemin de vie aurait été tellement diffèrent.
Tu portais haut des valeurs qui semblaient d'un autre temps, me répétais ce qu'il fallait dire ou pas, faire ou pas et la pointe d'inquiétude que je voyais dans tes yeux m'empêchait d'aller au devant des soucis qui fatalement seraient les tiens.
Il n'y avait que toi pour nous tenir ma fratrie et moi, et papa je l'ai compris bien plus tard était dans un monde autre que le notre, il lui fallait gagner sa vie en se perdant, tant il était accablé de responsabilités il oubliait jusqu'à notre présence.
Tu avais fort à faire avec des élucubrations de toutes sortes, entre l'ainé qui tardait à rentrer dans les rangs, le second qui ne trouvait jamais sa place nulle part, et surtout moi qui filait un mauvais coton, et avais si peu de temps pour les petits derniers.
Je sais que tu pardonnais toujours, que tu rentrais constamment tes larmes, cachant à notre père ce qui aurait pu l'irriter davantage, mais tu n'as point cédé et ainsi nous sommes devenus ceux qui en flattant ton orgueil, t'offraient une revanche.
J'ai le film de ta vie depuis ce village de l'enfance qui nous a meurtris, moi moins que mon frère et toi, mais j'ai le souvenir d'une indicible souffrance, un courage hors du commun et de l'abri de pierre et d'argile dans lequel tous trois nous avons vécu.
L'injustice a jalonné ta vie mais jamais tu ne t'es résignée, comme si ta seule audace pouvait inverser le cours des choses, j'aurais longtemps encore le souvenir du regard bleu acier qui semblait défier le destin, tracer un horizon à partir de rien.
Pour toi je n'ai pas été là très longtemps, et tu as tenu seule la barre sans rien perdre de ta superbe te levant à l'aube et ne dormant jamais tout à fait, le café bar ouvert jusqu'au petit matin étant ta hantise, tellement un danger pour les tiens.
J'ai compris sur le tard le courage que nécessitait la vie, la problématique d'une famille et aussi le fait qu'il faille tenir une fratrie et je m'en veux des mots vains que j'ai pu prononcer, et de mes jugements hâtifs envers vous deux.
Au travers les brisures nous parvient la lumière, il me fallait pour te comprendre que tu nous quittes et que ton absence devienne une présence silencieuse qui me rappellera la chance qui a été la notre de vous avoir pour parents !
" Les cœurs généreux et les belles âmes sont les vraies sources d'où jaillit la noblesse la plus appréciable, le mérite personnel." Pierre Jules STAHL
Commentaires