UN DESIR AMOUREUX

 Même si ma vie présente est une coulée de lumière, elle n'en demeure pas moins mélancolique de toutes les déchirures qui la traversent, l'impression de malheur qui m'a assailli à l'aube de celle-ci ne faisant que m'emporter vers un désir inextinguible de revanche, la solitude et le doute.

Très tôt je rêvais d'une vie intéressante et indépendante quitte à briser le souvenir des choses subies, penser différemment et avoir assez de force et de colère pour me penser autrement, m'insurger contre le désir à taire et l'ambition à réfréner, puis j'ai été emporté par le cours inconnu des choses.

Parce qu'il me fallait refuser l'oubli des origines et une distanciation douloureuse d'avec mes parents qui encombraient ma mémoire, j'ai mesuré le temps autrement entre affects et émotions mais je n'ai pas vraiment vécu, sinon dans une obscurité banale  car il me fallait être partout et tout le temps.

Je suis passé de l'enfance aux prémices de la vieillesse sans trop me rendre compte d'un temps furtif qui d'emblée était assassin, tandis que je m'égarais en des rives clandestines, éphémères et douloureuses car à chaque fois empreintes de passion, des roses trop ouvertes, et des petits riens sans finalité.

Désespéré d'échapper à l'étroitesse des possibles et à un quotidien frustrant ou exaspérant je n'ai point hésité pas à mettre de la couleur dans un mot, un geste, un regard, exprimer mon soupir devant la vie lisse et banale que je présentais comme s'il suffisait d'absolument contredire la raison ou trahir le cœur.

Je nourrissais inconsciemment la folie qui nous fait nous rencontrer, nous éloigner comme s'il s'agissait de seulement confronter deux  solitudes, alors que tout sentiment ravine les cœurs et étreint les âmes d'un manière indéfiniment prégnante, qui laisse en nous des larmes d'amertume et de regrets.

      "  L'homme qui aime normalement sous le soleil adore frénétiquement sous la lune."

 Guy de MAUPASSANT