L' ENFANCE VOLEE


  Pour toi j'aimerais puiser dans mes souvenirs, dans la mémoire de ma mère soumise à l'ignorance et à l'extrême dénuement , qui vivait parmi les bêtes et au plus près de la nature le quotidien dérisoire et terrible de celles qui n'ont que la terreur et un silence mystérieux dans les yeux.




Elle avait l'amour maternel sans la douceur et la tendresse, toujours à se démener entre les raidillons et les sentiers abrupts et une terre avare de ses richesses, une nature ingrate qui l'obligeait jour et nuit, sans que l'idée de nous abandonner mon frère et moi à l'abime jamais ne l'effleure.

J'aimerai avoir les mots pour elle et ce qu'elle a pu vivre, comme toutes ces femmes qui ressentent et vivent l'injustice humiliante et abaissante en son village des hauteurs ou elle a eu très tôt conscience des différences, avec juste l'éclat du soleil sur des murs blanchis de ses propres mains à la chaux.

Je pense souvent à ces hivers enneigés terriblement froids desquels elle a su nous protéger, et au fait d'aller en un pays ou on ne voulait pas de nous, un intime fait de de souvenirs douloureux et surtout  l'incompréhension d'un monde dont elle sentait le rejet, plus que le chagrin du déracinement subi.

Je n'ai pas à cœur de convoquer ma propre enfance, non plus que les braises mal éteintes de tant ces souvenirs que je ne parviens pas à chasser définitivement, même si au travers vous je n'ai que des raisons de me réjouir, et  de devoir oublier à quel point j'ai été un enfant devenu grand trop vite.

Pour DANYL que j'aimerai voir tomber amoureux des mots.

   

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