LES ODEURS DE LA NOSTALGIE.
J'ai longtemps été à l'autre bout de ma vie, un enfant tourmenté, mélancolique et malheureux qui a agacé mais s'est révélé indispensable quels que fussent les malentendus, les manquements et occasions perdues qui n'ont pas manqué pour le faire trébucher tout le long de ses plus folles espérances.
Si les années qui surviennent ne sont pas celles que j'avais espérées et que l'impétueuse nécessité que j'avais de la reconnaissance de mon sacrifice n'aura jamais lieu, je me sens tout de même l'assurance tranquille mais si petitement tremblante de ceux qui ont tout donné pour éconduire le destin.
Je voulais être compris sans avoir à m'expliquer car je n'ai jamais eu le temps de traduire la mienne ambition pour les miens, de n'être qu'un petit enfant meurtri dont le cœur est resté de l'autre côté de la méditerranée, trainant derrière soi un sentiment de pauvreté autant qu'une indicible tristesse.
Né dans le fracas et la fureur de la guerre, là ou braver le couvre feu et les bombardements étaient à peine concevable pour ma mère, j'ai un passé en ruines et sans l'ombre paternelle pour étreindre mes angoisses d'enfant, dont je garderais l'ironie tendre de ceux qui n'ont rien pour se faire valoir.
Même plus tard le sentiment un peu confus d'être dans le provisoire, sans cesse entre deux rives ne m'a pas quitté, mon cœur sensible toujours marqué par les blessures de l'enfance que sont les colonies de vacances ou l'on guette pour faire ainsi que d'autres le courrier, ou le colis qui ne viendra point.
J'avais en moi une tempête qui couvait en permanence, alimentée par les cinémas de quartier qui me régalaient de films en tout genres, et dont soixante années plus tard je me souviens car ils créaient l'univers dont je manquais, les modèles dont j'avais besoin pour taire en moi mes peurs d'enfant.
A vingt deux ans je larguais les amarres avec la vie en croyant l'embrasser, et tant j'étais tenaillé par un désir de revanche pour les miens et moi même je me suis vu sans toute ma tristesse, mes non-dits et mes silences, inventant un personnage que j'ai mis au service d'un lendemain meilleur pour les miens.
J'apprécie tout ce qui me rappelle d'où je viens, en particulier mes origines modestes, et j'ai gardé mes doutes et mes tourments pour moi-même afin de décrire à l'encrier de la louange une époque toute de souvenirs et de nostalgie pour faire taire les souffrances de notre passé constamment en embuscade.
Pour ma mère et mon père.
Les années qui peuplent ma mémoire.
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