MA MELANCOLIE
Conscient très tôt de la misère qui entourait les miens sans cesse prisonniers d'un lendemain et d'un bonheur fugacement entraperçu, désespérément attendu je me suis laissé happer par un rôle convenu mais que je n'ai pas choisi, un horizon intérieur insoupçonné et un désir d'absolu désarmant.
Malgré des valeurs si singulières qu'elles peinaient à prendre corps en moi, toutes mes certitudes et mes préjugés ont été ébranlés par la course effrénée et désespérée au bonheur, au mieux vivre de mes parents, un sacrifice d'un équilibre subtil et mouvant mais empreint d'une bouleversante acuité.
Ils ont mis en moi un fond de gravité qui a fait qu'à défaut de vivre j'ai contemplé la vie mais avec une profonde lucidité, j'ai été longuement d'une tristesse infinie mais comme apaisé par le devoir qui m'attendait, même si j'aurais aimé pouvoir me couper de toute légèreté au vu de leur souffrance.
Il y a quelque chose de désespérant dans le fait de vivre de répétitions et d'espérances plus ou moins insatisfaites, car il ne suffit pas d'aller à la vie par le plus court chemin, la lucidité quant au bonheur ne faisant que flirter avec un gai désespoir, tant l'espoir se heurtait sans cesse à mes craintes.
J'ai vécu la vie et ses angoisses plutôt que fuir la vérité en oubliant l'essentiel que j'ai toujours aperçu dans le regard de mes parents alors que d'autres se sont embarrassés de l'illusion et des mensonges, et je me sens seulement le tort d'avoir pensé affectivement plutôt que d'une façon plus rationnelle.
Malgré un cheminement obscur et déstabilisant je nous reconnais l'incapacité à être heureux, comme si nos parents nous ayant aliénés à leurs attentes, le bonheur était toujours pour plus tard, sans cesse différé du fait de mensonges que l'on se fait à soi-même quant à ceux qui sortiraient de l'obscurité.
Mais quoi que fussent ces passions sans cesse débutantes, les très troublants moments de liesse qui n'en finissent pas de me hanter, l'écriture et son côté grave et mélancolique m'attirant, je n'ai plus qu'un regard apaisé sur ma vie d'avant, comme pour m'avancer vers l'ailleurs qui m'attend.
" La mélancolie c'est le bonheur d'être triste." Victor HUGO
Commentaires